Douze points clefs et recommandations en faveur de la protection des forêts

Jeudi 18 décembre 2014 — Dernier ajout mardi 13 janvier 2015

Résultats de l’analyse et de la comparaison des systèmes de gestion des risques naturels dans les forêts des régions du projet FORRISK

Au niveau régional :


1. Rassembler les propriétaires et renforcer les réseaux d’acteurs de la protection responsables de la gestion quotidienne du risque et de la gestion de crise :

  • pour adopter des mesures de protection communes et collectives pouvant impacter les trois composantes du risque : l’aléa, la vulnérabilité et les enjeux
  • pour être force de proposition auprès des pouvoirs publics.

Les forêts des régions du projet FORRISK sont majoritairement privées. Leur grand nombre et le morcellement des propriétés peuvent constituer un frein à la gestion forestière, à l’affirmation et à la défense des intérêts de la forêt auprès des pouvoirs publics et à la mise en place d’actions de prévention communes. Il est également essentiel de renforcer les réseaux d’acteurs professionnels (dont les institutions publiques), performants pour la prévention et la gestion de crise.

RÉSEAU DE PROTECTION

Réseaux de propriétaires privés :

En Aquitaine, France : les Associations Syndicales Autorisées de Défense des Forêts Contre l’Incendie (ASA de DFCI). Au Portugal : les Zones d’Intervention Forestière (ZIF).

Réseaux d’acteurs :

France : le réseau des correspondants observateurs qui assurent le suivi de la santé des forêts pour le DSF. Dans toutes les régions : réseaux de pompiers, professionnels de la filière, etc.



2. Encourager l’économie et le développement forestier en faveur de la gestion des forêts et de leur protection.

Le développement des activités et de l’économie forestière est un atout pour la protection des forêts, il permet de valoriser les forêts en tant qu’enjeu à protéger, ce qui favorise la mise en place et l’implication des acteurs dans un système de protection.

IMPLICATION DES PROPRIÉTAIRES FORESTIERS EN AQUITAINE

La forêt des Landes de Gascogne dans le Sud-Ouest de la France est la source d’une activité économique importante en Aquitaine. Afin de protéger leurs forêts, les propriétaires forestiers se sont regroupés en associations et participent au financement du système de protection des forêts contre les incendies.



3. Assurer l’implication des élus locaux dans le système de protection du milieu forestier.

L’implication des élus locaux dans la protection est essentielle. Ils doivent pouvoir prendre des décisions en connaissance des risques ou participer à des conciliations d’acteurs et ce indépendamment des pressions extérieures.


QUELQUES EXEMPLES D’IMPLICATION DES ÉLUS LOCAUX

Rassembler et concilier les différents acteurs autour de la chasse ou de la pratique des écobuages (risques gibier et feu de forêt).

Prendre en compte le risque d’érosion dans l’attribution des permis de construire.

Surveillance des zones récemment incendiées (garde du feu) pour détecter les éventuelles reprises de feu.



4. Consolider et concilier la perception du risque du grand public, des élus et des propriétaires forestiers.

Un risque est souvent perçu différemment selon les types d’acteurs. Ceci pose problème lorsqu’ils doivent gérer le risque ensemble. L’amélioration de la culture du risque passe par des opérations de communication et de sensibilisation afin que les acteurs associent la notion d’usage du territoire à la notion de risque. La conciliation de la perception du risque passe par le dialogue et par l’utilisation d’outils d’évaluation du niveau de risque objectifs et indiscutables.


EXEMPLES DE MOYENS D’AMÉLIORATION DE LA CULTURE DU RISQUE

Communication et sensibilisation du grand public sur l’usage du feu en milieu naturel notamment des populations de passage en saison de feux de forêt.

Conciliation de la perception du risque de groupes d’acteurs différents (ex : forestiers et chasseurs autour des dégâts de gibier, promeneurs et chasseurs autour des enjeux de la chasse, etc.) via des commissions, groupes de travail, rencontres et projets de coopération.



5. Adapter et simplifier l’outil législatif

Afin qu’il soit incitatif à la protection et à la gestion durable des forêts et dans certains cas répressif mais surtout évolutif au regard des situations souvent particulières rencontrées en foresterie. Une législation trop complexe ou inadaptée au contexte forestier est problématique voire peut décourager les propriétaires et les initiatives de protection. En plus d’une nécessaire simplification, le contrôle de l’application de la législation doit être renforcé afin d’éviter les situations où elle n’est pas respectée.


EXEMPLE DE COMPLEXITÉ DE LA LÉGISLATION

En Aquitaine, France : multiplicité de la législation (loi sur l’eau, marchés publics, déclarations d’intention de travaux) qui freinent les travaux de DFCI.

Au Portugal : le pin est régi par 68 différents instruments juridiques et les propriétaires forestiers doivent jongler avec sept organismes institutionnels différents.

EXEMPLE DE LÉGISLATION NON RESPECTÉE

En Aquitaine, France : les obligations légales de débroussaillement qui ne sont pas toujours respectées et qui n’ont jamais fait dans la pratique l’objet de contrôles avec contravention.

Au Portugal : les lois de gestion des rémanents pour limiter le risque feu de forêt ne sont pas respectées et ne font pas l’objet d’un suivi.

EXEMPLE DE LÉGISLATION INCITATIVE

Au Pays Basque, des aides publiques sont disponibles pour les professionnels de la filière et les propriétaires privés qui investissent dans un équipement et qui appliquent des pratiques moins dommageables pour le sol.



6. Développer des outils d’aide à la décision multirisques et régionalisés pour les propriétaires afin qu’ils puissent intégrer plus facilement les risques dans leur gestion forestière.

L’approche multirisque, complexe et moins souvent étudiée n’en demeure pas moins essentielle. Elle doit être accompagnée d’outils d’aide à la décision pour le propriétaire, incluant des paramètres régionaux, afin de le guider parmi les informations et recommandations parfois antagonistes d’un risque à l’autre.


EXEMPLES DE LIEN ENTRE LES RISQUES

Association feu de forêt, pente et pluie qui augmente sévèrement les risques d’érosion.

Dégâts de tempête qui augmentent les risques d’insectes et de maladie, de cervidés, de feu de forêt, etc.



7. Partager les mesures de protection à l’échelle du bassin de risque.

Les limites géographiques du bassin de risque varient en fonction de l’aléa et sont très généralement supérieures à la taille d’une propriété forestière. Il est préférable de combiner les efforts et d’établir une stratégie à l’échelle du bassin de risque, qui d’une part peut s’avérer moins coûteuse (répartition des coûts) et d’autre part s’avérera plus efficace.


IMPORTANCE DE L’ÉCHELLE DU BASSIN DE RISQUE

Un propriétaire forestier qui met en place de bonnes pratiques pour limiter les dégâts sur sa parcelle pourra malgré ses efforts être victime de dégâts dus à l’absence d’actions de protection dans les propriétés voisines.


Au niveau interrégional, pouvant bénéficier d’une harmonisation entre pays :


8. Instaurer un système d’évaluation de la qualité de l’analyse et de la gestion des risques qui soit indépendant.

L’évaluation de l’appréciation des risques et des mesures de protection peut se faire grâce à la mise en place d’outils de performance et d’indicateurs de l’efficacité et de la qualité. Ce système ne se limiterait pas à un simple suivi des dégâts mais il pourrait reposer sur d’autres composantes : ressources, adaptabilité et résilience du système, interaction entre acteurs, harmonisation avec les régions voisines etc.


EXEMPLE DE SYSTÈME D’ÉVALUATION DE L’EFFICACITÉ

Ce type de système existe déjà dans d’autres secteurs, notamment en santé animale à l’OIE (Organisation Internationale des Épizooties).



9. Développer et pérenniser les outils de monitoring pour : lancer l’alerte et engager les opérations de lutte ; suivre l’évolution des risques et adapter les méthodes de protection aux niveaux de risques et aux changements globaux ; améliorer les connaissances sur les risques.

Les changements globaux regroupent :

  • Le changement climatique : augmentation des aléas à laquelle il faudra s’adapter (choix d’essences avec une plus grande plasticité climatique, nouvelles infrastructures DFCI, …).
  • Échanges commerciaux : menace du système de protection sanitaire de part la facilité et l’augmentation des échanges commerciaux.
  • Pratiques forestières : production de bois énergie (peut favoriser dans certains cas la gestion et l’entretien de la forêt, mais les scénarios dédiés entièrement à la biomasse augmentent le risque feu de forêt et la pression sur le sol).
  • Comportement de la population et évolution de l’usage du sol : urbanisation (augmentation des enjeux et fragmentation du territoire), exode rural (propriétaires forestiers de moins en moins présents à l’année sur leur propriété, peu de gestion du gibier dans certaines régions, visions différentes de la nature par les néo-ruraux).

Une problématique et un enjeu pour ces outils de monitoring est leur harmonisation entre pays.


OUTILS DE SUIVI

Réseau de surveillance de niveau I de la santé des forêts de l’ICPF (International Co-operative Programme on Assessment and Monitoring of Air Pollution Effects on Forests) terminé en 2006.

Observatoire de la reconstitution de la forêt du GIP ATGeRI, qui permet une meilleure connaissance des risques et de la forêt.

INDICATEURS QUI PERMETTENT DE SUIVRE LE NIVEAU DE RISQUE

Indice Forêt Météo (IFM).

Observatoire des dégâts de gibier du GIP ATGeRI à partir des déclarations de propriétaires forestiers et des professionnels de la filière.

Alertes sanitaires de la Station Phytopathologique d’Areeiro et conseils de prévention.

RÉSEAUX DE SURVEILLANCE QUI PERMETTENT DE LANCER L’ALERTE

Tours de guet et patrouilles pour les feux de forêt.

Réseau de surveillance des introductions de nouveaux pathogènes du DSF.



10. Encadrer la gestion de crise par des plans de contingence : qui puissent notamment intégrer et anticiper des procédures pour gagner du temps et limiter la déstabilisation du marché du bois à une échelle transnationale.

Pour les zones les plus vulnérables et les aléas causant des dégâts de grande ampleur, la création systématique de plans de contingence permettrait d’encadrer, en amont de la crise, les procédures, les financements, les acteurs et contacts clefs, leurs méthodes de coordination, leurs rôles et les outils utilisés pour la gestion de crise.

EXEMPLE DE PLAN DE GESTION DE CRISE

Plan de contingence nématode du pin demandé par l’Union Européenne pour les états membres dans le bassin de risque.



11. Développer et partager la connaissance sur les risques afin de disposer de données de référence.

L’accès à des données de références permet de diffuser des conseils et développer des méthodes de protection. Ces références peuvent porter sur les aléas, la vulnérabilité, les interactions entre les risques, la réponse des systèmes aux moyens de protection engagés. Pour certains risques, l’absence de données régionales de références ne permet pas de conseiller ou d’alerter sur les pratiques. L’amélioration de la connaissance des aléas et de la vulnérabilité des forêts permettrait d’enrichir la gestion des risques.

Les données sur le suivi sanitaire des forêts sont conséquentes dans la plupart des régions et ne sont pas toujours étudiées faute de temps ou de moyens. Il est nécessaire de communiquer sur les données disponibles pour l’analyse et de disposer de protocoles communs entre pays afin de pouvoir les comparer. La valorisation des données peut notamment intégrer des éléments quantitatifs et/ou économiques.

PARTAGE DE CONNAISSANCE

Exploitation des données du réseau de placette de niveau I de l’ICPF.

Amélioration de l’étude des causes de départs de feux.

Améliorer la connaissance sur la réponse des populations de gibier aux pratiques de chasse.



12. Développer la formation sur la gestion des risques dans les réseaux de formation forestière : dans les universités forestières et centres de formation pour propriétaires et professionnels.

Points clefs et recommandations par risque


Feu de forêt

La prévention des feux de forêts se révèle efficace lorsqu’un réseau de gestion du risque quotidien existe et qu’il est soutenu par une organisation institutionnelle ou professionnelle de la forêt et du feu.

La réalisation des opérations de prévention des feux de forêts par les propriétaires est directement liée au retour économique de la production forestière.

Les opérations de lutte sont organisées par une chaine de commande et de procédures quasi militaire, dans laquelle les sapeurs spécialisés dans la lutte contre les feux de forêt est essentielle.

La détermination des causes de départs de feux pourrait être améliorée et ce dans toutes les régions puisque l’origine de la majorité des feux est inconnue. Afin de pouvoir comparer les différents pays, la récolte de cette donnée doit être harmonisée par une classification commune des origines.



Événements climatiques extrêmes

Lors de récentes gestion de crise, l’implication des professionnels de la filière (coopératives, techniciens forestiers…) s’est révélé efficace en terme de nettoyage et de reconstitution de la forêt. L’élaboration de plans de contingence systématiques devrait permettre de définir les rôles, coopérations et procédures à réaliser par ces acteurs et d’intégrer des moyens pour limiter la déstabilisation des marchés et de la filière.



Insectes et maladies

La propagation des insectes et maladies entre pays, l’augmentation de leur adaptation et l’évolution des menaces liées aux changements globaux sont les principales préoccupations. Les échanges commerciaux de produits établis comme risqués doivent être évités, les contrôles sanitaires aux frontières renforcés ainsi que l’implication des industries forestières dans un commerce de bois sain. Une meilleure collaboration entre les différents états européens et des études sur l’évolution et les trajectoires de certains pathogènes permettrait une meilleure anticipation de ces risques. De plus, la généralisation de l’analyse des impacts économiques des ravageurs permettrait de hiérarchiser les menaces et de prioriser les efforts.



Gibier

Un des principaux défis de la chasse est la conciliation des acteurs et de leur perception des risques. Il convient d’instaurer un dialogue entre acteurs fondé sur des outils objectifs, des rencontres, des visites de terrain, une répartition équilibrée de représentants des forestiers et des chasseurs aux instances de chasse.



Dégradation du sol

Il convient d’identifier les menaces, pressions et risques de dégradation du sol liés à la gestion forestière. La méthode proposée par l’Union Européenne via le JRC, de cartographier les zones sensibles à la dégradation du sol, ou la généralisation des indices d’érosion potentielle dans les régions comme proposé dans le projet FORSEE, peut constituer un outil valorisable pour les décideurs. Ceci pourrait favoriser les pratiques forestières durables et encourager les activités avec moins d’impact sur le sol (ex : câble). Les PES (Paiement des services environnementaux) sont également une piste à explorer pour inciter à la gestion durable.

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